LA PISCINE ROMAINE DE BALARUC
ALORS QUE LA SAISON THERMALE 2019 DÉMARRE...
LA PISCINE ROMAINE DE BALARUC

L’arlésienne ? Non ! Certains l’ont vue… Il y a même eu un complexe thermal d’envergure exploité du Ier au IIIème siècle.
Il y a longtemps que la fameuse piscine de marbre romaine taraude l'inconscient de tous ceux qui s'intéressent au passé de Balaruc au point que cela en devient un mythe. Certains, et pas des moindres, n'en avait même jamais entendu parler...Et dans le même temps est-ce que tous les balarucois savent que dans notre sous-sol il y a des merveilles que beaucoup nous envieraient... et surtout mettraient en valeur. Alors j’ai voulu casser le mythe et me suis livré à un travail de recherche basé sur un certain nombre d'ouvrages que j'ai en ma possession et d'autres que je suis allé chercher, dont dernièrement les articles de la revue "L'illustration", inconnus jusque-là, datant de 1863 et 1865.
Dans ces différents articles on mentionne même les dimensions de cette piscine qui semblait rectangulaire, mais j'ai lu quelle pouvait être de forme ovale.
Alors l'idée qu'il pouvait y en avoir plusieurs a traversé mon esprit et ceci d'autant plus que la gravure de l'ouvrage de Dortoman, le "De Causis», montre une
série de trois bassins stylisés de forme quadrangulaire, étiquetés "Therme obsoleta", abandonnés. On pouvait encore utiliser les piscines de l'époque romaine dans leur état d’origine pendant tout le Moyen-âge et à l'endroit même de la résurgence naturelle de la source thermale et ceci jusqu'au début XVIème siècle.
J'ai donc commencé mes recherches par l'ouvrage de l'abbé Bousquet "Notice et précis historique sur Balaruc-les-Bains et ses sources thermales" dont j'ai déjà parlé dans ce blog. L'abbé Bousquet a été longtemps curé de Balaruc mais c'est en historien local précis et documenté qu'il s'est semble-t-il le mieux illustré. Pour preuve son ouvrage aujourd'hui introuvable, même pas numérisé sur la toile. Heureusement j'en possède un exemplaire numérisé que je publierai prochainement pour que tous puissent y accéder...
On peut lire dans les pages 16 et 17 de cet ouvrage que l'aqueduc alimentait les thermes romains et prenait sa source à Issanka à partir d'un édifice bâti destiné à recevoir l'écoulement de la source avant de la canaliser et que dans le parc thermal on a retrouvé les tuyauteries qui permettaient in fine une répartition de l'eau dans les différentes structures publiques ou privées.
A propos de la piscine on apprend page 18 que celle-ci a été découverte à l'occasion de fouilles menée en 1863. L'abbé nous apprend que le propriétaire des thermes d'alors, Monsieur Fayard pharmacien lyonnais je crois, dût abandonner le projet de construire un hôtel de luxe près de ses thermes car en creusant il fit la rencontre " à trois mètres environ de profondeur (...) d'une plaque de marbre blanc. C'était la première marche d'un magnifique escalier, entièrement revêtu de marbre, conduisant dans la piscine. Sept marche de ce grand escalier purent être mises à découvert au moyen de deux puissantes machines à puiser l'eau, car l'eau recouvrait entièrement ce monument". L'eau arrivait en telle abondance qu'on dût arrêter la progression des fouilles. "On pût pourtant constater la forme ovale de cette piscine, et, à part le grand escalier qui en occupait le centre, deux autres escaliers moins larges, également en marbres, construits aux deux extrémités".
On apprend dans une mention à part que certaines des pièces de marbre auraient été retirées des fouilles pour orner les galetas (?) de l'ancien hôtel thermal. Je ne peux pas dire si ces plaques de marbre existent encore, l'abbé Bousquet conseillait à juste titre qu'il était important qu'elles fussent conservées...
Le site des fouilles ne fut recouvert qu'en 1867. Dans les fouilles du parc en 1833 et à Issanka en 1846 on retrouva les mêmes monnaies antiques permettant de dater les monuments de l'époque de l'empereur Claude, ainsi proclamé par le sénat en 41 de notre ère.
J'ai repris la lecture de la revue" l'Illustration" tome 42 de 1863 et l'article de la page 426, rédigé par le docteur Jacquemet, alors médecin référent des thermes de Balaruc. Celui-ci confirme que cette année-là, à l'occasion de fouilles, ont mis au jour "des thermes avec leurs piscines dallées de marbre blanc, des colonnes d'ordres divers, des vases et des médailles...". Dans celle du tome 45 de 1865 pages 205 on apprend de la plume de l'excellent docteur de Laplagne, rédacteur de l’article, médecin-consultant à Balaruc du 15 avril au 15 octobre et à Paris en dehors de la saison au 56 boulevard de Sébastopol, des choses très intéressantes sur les piscines romaines.
"En effet, de l'entrée même du parc on peut facilement, à quelques mètres devant soi, au bas d'une rampe très douce (...) voir l'emplacement d'une vaste piscine patricienne dans laquelle on descendait par des gradins circulaires en marbre blanc, et qui mesure 12 mètres de largeur sur 24 mètres de longueur. En mettant à nu cette merveille d'un autre âge, les fouilles dernières on fait rencontrer des difficultés extrêmes pour protéger les travailleurs contre un volume considérable d'eau thermale à 48° que l'on voyait sourdre et bouillonner de toutes parts". Parait-il plus de 500 000 litres par 24 heures sortaient du trou! (Il devait y avoir un zéro de trop...).

Le même article est illustré d'une gravure qui montre l'établissement thermal (Pavillon Sévigné aujourd'hui) et la piscine romaine en "A" qui est placée derrière alors que dans le texte elle est devant l'entrée du parc thermal attenant à l'ancien l'hôtel à baies en ogives.
Dans un ouvrage plus ancien celui du docteur Pouzaire, médecin résidant aux Bains de Balaruc, "Traité des Eaux Minérales de Balaruc", daté de 1771, on lit en pages 13 que "les bains étoient anciennement plus haut qu'ils ne sont actuellement, et plus près de la petite montagne appelée en terme vulgaire du pays (Pioch d'Aix), d'où on présume avec vraisemblance que cette source dérive; l'on voit encore dans ce même endroit le creux, qui lui servoit autrefois de bassin, auquel s'abouche un ancien aqueduc qui portoit les Eaux dans l'Etang; c'est au milieux et aux environs de ce creux qu'on peut voir les fondements et les débris du bâtiment des anciens Bains".
A en croire d'autres écrits ce serait le comblement par les sarrasins de l’ancienne piscine sur le lieu même de la résurgence naturelle des eaux thermales qui aurait conduit la source à réapparaître plus en aval.

On en vient maintenant aux rapports des fouilles archéologiques menées en 1994 et consignées dans un ouvrage intitulé " Carte Archéologique de la Gaule, Agde et le Bassin de Thau", Marc Lugand et Iouri Bermond, pages 172 - 218. Au total 46 pages de texte et de photos relatant les fouilles sur le territoire des deux Balaruc.
A la page 182 sous le Square Bordes les archéologues décrivent les fouilles des thermes romains en se référant aux témoignages importants datant de la deuxième partie du XIXème siècle, comme décrits plus haut. Les éléments de remblai au sein des piscines antiques datant des XVème et XVIème siècles confirment la grande restructuration des thermes de Balaruc à la Renaissance afin de répondre à la nouvelle demande et aux nouveaux principes médicaux. Tout ceci est décrit dans le "De Causis" de Dortoman. Une gravure dans ce même ouvrage qui représente les 3 piscines quadrangulaires et alignées serait donc le dernier témoignage des piscines antiques à découvert.

Le rapport des fouilles récentes fait état d'un ensemble monumental autour des piscines correspondant à un bâtiment qui par ses dimensions correspondrait à un édifice à caractère public.

En 1994 sur 1300 m2 les archéologues mirent en relief " les grandes lignes organisatrices de la partie thermale formant l'aile nord du complexe public de l'agglomération" antique. Le secteur thermal est limité "au nord (...) par un grand mur de façade (de plus de 1 m de large), construit en opus reticulum". "D'importants massifs de maçonnerie retrouvés à l'intérieur de cet espace correspondent aux élévations effondrées. A l'intérieur de cet ensemble, sur la partie méridionale, une série de bassins et de piscines a pu être identifiée. L'un d'eux correspond à un griffon aménagé sur une résurgence naturelle d'eau chaude à mettre en relation avec la fameuse piscine découverte au XIXème siècle".

D'autres éléments monumentaux d'importance ont été révélés dont cette pièce de 200 m2 aux puissants murs avec de son coté nord une série de massifs alignés pouvant correspondre aux bases d’un portique d'accès. "Cet état de construction, du fait de son importance (plus de 12 m de façades observés et la dimension des pièces de 7.5 m de côté), confirme la vocation publique de ces ensembles".
Outre les piscines plus anciennes qui pourraient appartenir au 1er siècle, ces dernières phases de constructions dateraient du courant du IIIème siècle de notre ère et l'abandon de l'ensemble se situerait au Vème siècle.

Bibliographie
- N. Dortoman, "De Causis", 1579.
- M. Pouzaire, "Traité des Eaux Minérales de Balaruc", 1771.
- L'Illustration, revues, tome 42 1863 et tome 45 1865.
- Abbé Bousquet, "Notice et précis historique sur Balaruc-les-Bains et ses sources thermales", 1874.
- M. Lugan, I. Bermond, " Carte Archéologique de la Gaule, Agde et le Bassin de Thau", 2001.