LES CARRES DE PIERRE PAUL ET LES INDUSTRIES DE BALARUC
BALARUC A UN INCROYABLE PATRIMOINE
PATRIMOINE MATERIEL. SAISON 1 : EPISODE 5
Dès la fin du XIX ème siècle et pratiquement pendant la première moitié du XXème la zone de Balaruc avec celle de Fos-sur-Mer sont les deux pôles industriels importants de la Méditerranée en France.
Il y a encore peu de temps subsistaient quelques vestiges, souvenirs de cette incroyable épopée qui a donné sur le plan social des centaines d'emplois aux habitants de Balaruc et des environs.
Les derniers éléments de mémoire détruits furent ceux des cheminées et bâtiments de Saint-Gobain mais aussi par la suite les piles du pont de la rampe de la fonderie. Celle-ci enjambait la voie ferrée en face de la station d'essences Total. Restent encore les habitations du directeur et ingénieurs de la raffinerie de pétrole au bout de l'avenue de la gare avant la "Cure Gourmande", ancienne gare de marchandises et passagers de Balaruc.
Outre ces industries majeures il y avait des petits industriels intelligents comme Monsieur Pierre Paul mais aussi des artisans tonneliers et autres négociants qui animaient déjà la vie économique et humaine de Balaruc.
Dans une première partie on parlera d'une originalité industrielle puis dans une deuxième des industries classiques.
1ère partie: LES CARRES DE PIERRE PAUL, Société "L’OSTRÉICULTURE MÉRIDIONALE".
Pierre Paul né en 1853 était ingénieur probablement originaire de Balaruc.
Celui-ci eut l'idée originale de recréer à Balaruc l'élevage des huîtres à la façon de Marenne-Oléron; c'est à dire en reconstituant les marées qui tantôt baignent et recouvrent les huîtres et les découvrent pour leur donner une texture et une saveur particulières...
Pour cela il fit aménager des espaces délimités par des digues en carrés où les huîtres étaient exposées avec toute une mécanique pour faire entrer et sortir l'eau des carrés à intervalles réguliers. Il crée sa société en 1908 sous le nom de "L'Ostréiculture Méridionale".
Dans le livre "Balaruc Maimona, 2000 ans de passion pour l'eau" Jean Marie Pesce nous explique tout. Son grand-père travaillait pour Pierre Paul en tant que chauffeur de sa De-Dion-Bouton, il a vu fonctionner l 'exploitation:
"Derrière le petit ruisseau, la Mouillère, ce vaste espace était consacré depuis des siècles à la culture des salicornes, plantes permettant l’extraction de la soude et en même temps consommable. La zone était marécageuse et limitée à l’Ouest par le chemin vicinal N°3, elle était recouverte par les eaux de l’étang en automne. Cet espace faisait partie du Domaine des Massonnaud. C’est là, sur une légère surélévation, qu’à la fin du XIXème siècle, furent construits deux maisons surnommées « les chalets de Pierre Paul » par les habitants du village. La femme de Monsieur Pierre Paul était née Massonnaud."
Jean Marie Pesce continue en nous expliquant que: "Dans ces Mouillères qui entouraient les chalets, des bassins de forme rectangulaire ont été creusés dans l’argile bleue. Les bords de ces bassins étaient retenus par des piquets, comme ceux utilisés pour les marais salants, un chemin permettait d’en faire le tour. Dans les grands axes, des rails permettaient la circulation des chariots en acier aux roues de fonte. Ces petits wagons amenaient soit les huîtres finies pour l’expédition soit les petites huîtres que l’on collait sur des tuiles qui étaient déposées ensuite sur fond de sable dans les bassins.
Deux hangars en bois au centre « des carrés » abritaient, pour l’un les expéditions, pour l’autre la préparation des tuiles qui recevaient les petites huîtres.
Le naissain venait de l’Atlantique, peut-être d’Oléron déjà.
La production était importante, le lieu permettait un grossissement rapide des coquillages.
Au centre de l’exploitation, le plus curieux et le plus vivant, puisque toujours en mouvement, c’est le moulin à vent. C’est lui la clef de voûte du système. Il rythme le niveau des bassins suivant le stade de l’élevage et puis selon la période au cours de l’année.
Ici le moulin règle les marées devenues artificielles.
Une roue à aubes, actionnée par le moulin, permet de faire rentrer l’eau dans l’ensemble de l’exploitation en fonction des besoins, ou bien de la rejeter à l’étang. Il devait y avoir un système d’inversion de la roue à aube par poulie et courroie.
Par manque de vent le système fonctionnait-il avec un moteur.
Cette entreprise était commandée par le fondé de pouvoir Monsieur Clavel, grand-père de l’écrivain et philosophe bien connu, Maurice Clavel".
A Sète, aux Ateliers du Midi, Pierre Paul avait aussi une usine de fabrication de matériel agricole et de vinification: fouloirs, pressoirs, robinets, raccords. Il mit au point en particulier le fameux foulo-pompe en fonte et bronze qui permettait de faire passer les mous ou les vins des cuves aux foudres et dont les pistons étaient actionnés par un mécanisme entraîné par une grande roue qu'on tournait à bout de bras...puis plus tard par moteur thermique.
Jean Marie nous raconte comment se termina son épopée:
"Pendant la guerre de 14/18, l’armée lui a demandé de travailler pour la défense du pays et de fabriquer des obus et des canons. Il a refusé, n’ayant pas l’outillage pour faire ce qu’on lui demandait mais après des tractations et des commandements de faire, il a été obligé de s’exécuter. L’utilisation de ce matériel s’est avérée déplorable. Les fûts des canons éclataient.
Accusé de sabotage à la fin de la guerre, il a dû affronter plusieurs procès pour prouver sa bonne foi. Il cesse toutes activités vers 1920, à l’âge de 67 ans, les parcs à huîtres sont abandonnés".
Les carrés sont restés à l'abandon et furent remblayés plus tard pour accueillir la construction des immeubles en bordure d'étang.
La configuration de la presqu'île reproduit encore les limites des carrés par la suite de plages artificielles devant les immeubles Sévigné et les thermes en suivant, jusqu'au décroché entre les thermes et le casino.